The Guerrilla Girls - The Guerrilla Girls et La Barbe - Exposition | mfc-michèle didier | Paris - Bruxelles - PARIS
Exposition du 9 septembre au 12 novembre 2016
Vernissage le 8 septembre 2016 de 18h à 21h en présence des The Guerrilla Girls et de La Barbe
Conférence du 9 septembre 2016.
Le gorille et la barbe ou l'art de partir en guerre
Mais contre qui et avec quoi? Non, sans ignorer l’objet de la bataille ou l’adversaire contre lequel il s’agit de lutter, c’est davantage les outils du combat qui seront mis à l’honneur du 9 septembre au 12 novembre 2016 à la galerie mfc-michèle didier.
Bien que les présentations ne soient plus à faire, il semble nécessaire de revenir un instant sur la naissance de ces activistes qui, armées de postiches pileux, partent en guerre contre le règne du poil!
Groupe américain fondé en 1985 après avoir fait l’effroyable constat que seule une minorité de femmes et de personnes de couleur était représentée parmi les 169 artistes ayant participés à l’exposition An International Survey of Recent Painting and Sculpture du Museum of Modern Art de New York, The Guerrilla Girls n’ont eu de cesse dès lors, de créer quantité de posters, tracts et autres éphéméras dans le but « d’interpeller le public sur les discriminations qui sévissent dans les institutions artistiques fortement phallo et ethno centrées»[1].
Ces supports papier sont le plus souvent utilisés dans le cadre d’interventions dans l’espace public. L’affichage urbain comme la distribution de tracts permettant de toucher un public socialement plus large, les The Guerrilla Girls ne pouvaient faire l’impasse sur cette prise de contact direct avec la rue au risque de se retrouver parfois confrontées à des violences qui cherchent à les faire taire.
Toujours dans cette volonté de communiquer avec le plus grand nombre, les « Bad Girls » ont recours à des codes simples mais percutants. Les textes, tels des slogans sont succincts et incisifs. Et c’est avec l’usage de polices en bold et ultra bold, et en capitales la plupart du temps, que sont réalisés les textes des posters. Les couleurs sont criardes avec une dominance de rose girly, jaune, rouge et noir.
Quant aux images, parfois extraites de l’histoire de l’art, elles sont apposées sur des fonds de couleur monochromes au moyen d’un détourage numérique radical qui ne s’encombre pas d’informations secondaires et superflus.
Cette efficacité du vocabulaire visuel utilisé se retrouve également dans la figure du singe des masques dont se parent les Guerrilla Girls avant d’entamer chacune de leurs interventions. De « guerrilla » à « gorilla »[2], cela ne tient finalement qu’à un poil!
Telle une signature, ce déguisement leur permet d’apparaître masquées à l’instar des héros justiciers qu’il est inutile de nommer ici puisque bien connus du grand public et surtout masculins pour la majorité d’entre eux.
Chez les The Guerrilla Girls, ce n’est pas la city qu’il faut sauver ou alors indirectement, c’est plutôt le monde de l’art. Le sauver du sexisme et du racisme qui le ronge de l’intérieur depuis trop longtemps.
Dans cette lutte, le masque apporte donc l’anonymat. Il cache l’identité des membres du groupe et les protège ainsi des retombées qui pourraient nuire à leur carrière artistique ou à leur vie privée.
Mais considéré comme un accessoire de camouflage, le masque peut tout aussi bien devenir comique voire ironique. Il permet de «dédramatiser une situation pourtant précaire, celle de la représentation des artistes femmes dans les institutions muséales qui stagne à environ 11%, ainsi que celle des artistes de couleur qui est encore plus ridicule »[3].
Le choix d’un primate comme emblème ne s’avère donc pas si anodin. Si le singe est bien souvent qualifié d’animal drôle et amusant puisque mimétique[4], le gorille quant à lui apparaît comme inquiétant, menaçant et potetiellement agressif. En attestent les longues et puissantes incisives des masques dont se parent The Guerrillas Girls. Il convient donc que le discours soit entendu.
Et là encore, le masque permet ce tour de force. Il concentre l’attention de l’auditoire sur le contenu du discours et non sur l’identité de la personne qui l’énonce. Ce qui est vu ou plutôt lu sur les posters et sur les tracts des Guerrilla Girls n’est donc pas reléguer au second plan. C’est même ce qui domine.
À ces nombreux éphéméras qui tapisseront les murs de la galerie viendra s’ajouter le lancement de l’ouvrage The Hysterical Herstory of Hysteria and How It Was Cured par The Guerrilla Girls, produit et publié par mfc-michèle didier.
Cet ouvrage, appelé board book, dont chaque page cartonnée lui confère des allures de livre pour enfants, se voudra volontairement didactico-satirique dans sa manière d’aborder l’histoire de cette névrose censée toucher principalement la gente féminine… Et puisqu’une Guerrilla Girl peut en cacher une autre, mfc-michèle didier propose aux membres du groupe d’actions féministes auto-nommé La Barbe de rejoindre ses rangs le temps de l’exposition.
Pour ces Barbues, comme elles se désignent, dont le but est de « rendre visible la domination des hommes dans les hautes sphères du pouvoir, dans tous les secteurs de la vie professionnelle, politique, culturelle et sociale en ringardisant leurs codes, leurs valeurs, leur esprit de corps»[5], le champ d’action ne se borne pas au seul secteur culturel. Il s’agit d’une lutte sociale plus large, en témoigne la liste des « cibles » recensées sur leur site internet.
Aux arts et à la culture s’ajoute ainsi la «politique, les affaires, les médias, la fonction publique, l’enseignement et la recherche, les think tanks, le sport, la religion et l’aide humanitaire»[6]. Et là encore, les actions sont simples et revendiquées comme telles: il s’agit d’« envahir les lieux traditionnellement dominés par les hommes en portant des barbes»[7].
Comme chez les the Guerrilla Girls, le poil est donc de mise. Non pas dans son animalité (quoi que?!) mais dans sa masculinité. Le postiche poilu dont se grime les membres du groupe symbolise pour ces dernières l’homme dominant, détenteur du pouvoir. Notamment en vogue jusqu’à la deuxième guerre mondiale, cette pratique de la barbe est, pour ces militantes, indissociable du statut politique, économique et social des hommes en ces temps-là. Cette esthétique de la 3ème République se retrouve également dans l’ensemble des outils de communication mis en place par les barbues. A commencer par leur nom: La Barbe[8]!
Utilisée à l’encontre de quelqu’un ou de quelque chose qui importune, cette exclamation ne date en effet pas d’hier. On pourrait même dire sans trop s’avancer qu’elle est un tantinet surannée mais lorsqu’elle apparaît en blanc sur une bannière de tissu noir, que les barbues ont coutume de déployer lors de chacune de leurs interventions, c’est tout un univers stylistique qui se met au service d’une cause. Il en est de même pour les « cartons » ou intertitres auxquels elles ont recours au moment de la post-production de leurs films. Fréquemment utilisés dans le cinéma pour transcrire des dialogues ou expliciter une situation, ces cartons noirs, comme procédé textuel, sont typiquement le produit du 19ème. Idem pour les musiques qui accompagnent les films.
Accordéon pour ginguette, piano pour film muet, le choix des styles musicaux soutient cette esthétique mise en place par les femmes à barbe.
On pourrait également mentionner l’intérêt pour les photographies anciennes et l’univers forain mais le meilleur moyen de comprendre leur univers reste encore d’essayer la barbe. Pour cela, les membres du groupe mettront à disposition du public, au sein de la galerie, un atelier de confection de barbes ainsi qu’un panneau photo avec trou dans lequel chacun(e) pourra passer sa tête et affirmer ainsi son appartenance au groupe. On ne naît pas barbue, on le devient. Il semble donc que pour partir en guerre, l’accessoire soit de mise. En avant toutes!
[1] Extrait de l’article Guerrilla Girls / La preuve que les féministes ont le sens de l’humour publié le lundi 12 avril 2010 par Sonia Recasens sur le blog Elles@centrepompidou. http://elles.centrepompidou.fr/blog/?p=748
[2] L’anecdote veut que le choix du singe découle d’une faute de frappe de l’une des membres lorsqu’un jour elle écrit «gorilla» à la place de « guerrilla ».
[3] Extrait de l’article Guerrilla Girls / La preuve que les féministes ont le sens de l’humour publié le lundi 12 avril 2010 par Sonia Recasens sur le blog Elles@centrepompidou. http://elles.centrepompidou.fr/blog/?p=748
[4] On pense à l’expression « faire le singe ».
[5] Extrait du site internet de La Barbe, rubrique Qui sommes-nous ?, http://labarbelabarbe.org
[6] Extrait du site internet de La Barbe, rubrique Cibles. http://labarbelabarbe.org
[7] Extrait du site internet de La Barbe, rubrique Qui sommes-nous ?, http://labarbelabarbe.org
[8] On pense aussi à l’expression « Quelle barbe ! ».
Le vendredi 9 septembre de 14h à 18h la galerie mfc-michèle didier a organisé une rencontre avec les The Guerrilla Girls, La Barbe, Deborah De Robertis et les Femen.
Ce colloque s'est déroulé à la Maison des Auteurs au 7 rue Ballu, 75009, Paris de 14h à 18h. Marc Donnadieu, Fabienne Dumont et Camille Morineau sont intevenus lors de cette rencontre.
Exposition du 9 septembre au 12 novembre 2016
Vernissage le 8 septembre 2016 de 18h à 21h en présence des The Guerrilla Girls et de La Barbe
Conférence du 9 septembre 2016.
Le gorille et la barbe ou l'art de partir en guerre
Mais contre qui et avec quoi? Non, sans ignorer l’objet de la bataille ou l’adversaire contre lequel il s’agit de lutter, c’est davantage les outils du combat qui seront mis à l’honneur du 9 septembre au 12 novembre 2016 à la galerie mfc-michèle didier.
Bien que les présentations ne soient plus à faire, il semble nécessaire de revenir un instant sur la naissance de ces activistes qui, armées de postiches pileux, partent en guerre contre le règne du poil!
Groupe américain fondé en 1985 après avoir fait l’effroyable constat que seule une minorité de femmes et de personnes de couleur était représentée parmi les 169 artistes ayant participés à l’exposition An International Survey of Recent Painting and Sculpture du Museum of Modern Art de New York, The Guerrilla Girls n’ont eu de cesse dès lors, de créer quantité de posters, tracts et autres éphéméras dans le but « d’interpeller le public sur les discriminations qui sévissent dans les institutions artistiques fortement phallo et ethno centrées»[1].
Ces supports papier sont le plus souvent utilisés dans le cadre d’interventions dans l’espace public. L’affichage urbain comme la distribution de tracts permettant de toucher un public socialement plus large, les The Guerrilla Girls ne pouvaient faire l’impasse sur cette prise de contact direct avec la rue au risque de se retrouver parfois confrontées à des violences qui cherchent à les faire taire.
Toujours dans cette volonté de communiquer avec le plus grand nombre, les « Bad Girls » ont recours à des codes simples mais percutants. Les textes, tels des slogans sont succincts et incisifs. Et c’est avec l’usage de polices en bold et ultra bold, et en capitales la plupart du temps, que sont réalisés les textes des posters. Les couleurs sont criardes avec une dominance de rose girly, jaune, rouge et noir.
Quant aux images, parfois extraites de l’histoire de l’art, elles sont apposées sur des fonds de couleur monochromes au moyen d’un détourage numérique radical qui ne s’encombre pas d’informations secondaires et superflus.
Cette efficacité du vocabulaire visuel utilisé se retrouve également dans la figure du singe des masques dont se parent les Guerrilla Girls avant d’entamer chacune de leurs interventions. De « guerrilla » à « gorilla »[2], cela ne tient finalement qu’à un poil!
Telle une signature, ce déguisement leur permet d’apparaître masquées à l’instar des héros justiciers qu’il est inutile de nommer ici puisque bien connus du grand public et surtout masculins pour la majorité d’entre eux.
Chez les The Guerrilla Girls, ce n’est pas la city qu’il faut sauver ou alors indirectement, c’est plutôt le monde de l’art. Le sauver du sexisme et du racisme qui le ronge de l’intérieur depuis trop longtemps.
Dans cette lutte, le masque apporte donc l’anonymat. Il cache l’identité des membres du groupe et les protège ainsi des retombées qui pourraient nuire à leur carrière artistique ou à leur vie privée.
Mais considéré comme un accessoire de camouflage, le masque peut tout aussi bien devenir comique voire ironique. Il permet de «dédramatiser une situation pourtant précaire, celle de la représentation des artistes femmes dans les institutions muséales qui stagne à environ 11%, ainsi que celle des artistes de couleur qui est encore plus ridicule »[3].
Le choix d’un primate comme emblème ne s’avère donc pas si anodin. Si le singe est bien souvent qualifié d’animal drôle et amusant puisque mimétique[4], le gorille quant à lui apparaît comme inquiétant, menaçant et potetiellement agressif. En attestent les longues et puissantes incisives des masques dont se parent The Guerrillas Girls. Il convient donc que le discours soit entendu.
Et là encore, le masque permet ce tour de force. Il concentre l’attention de l’auditoire sur le contenu du discours et non sur l’identité de la personne qui l’énonce. Ce qui est vu ou plutôt lu sur les posters et sur les tracts des Guerrilla Girls n’est donc pas reléguer au second plan. C’est même ce qui domine.
À ces nombreux éphéméras qui tapisseront les murs de la galerie viendra s’ajouter le lancement de l’ouvrage The Hysterical Herstory of Hysteria and How It Was Cured par The Guerrilla Girls, produit et publié par mfc-michèle didier.
Cet ouvrage, appelé board book, dont chaque page cartonnée lui confère des allures de livre pour enfants, se voudra volontairement didactico-satirique dans sa manière d’aborder l’histoire de cette névrose censée toucher principalement la gente féminine… Et puisqu’une Guerrilla Girl peut en cacher une autre, mfc-michèle didier propose aux membres du groupe d’actions féministes auto-nommé La Barbe de rejoindre ses rangs le temps de l’exposition.
Pour ces Barbues, comme elles se désignent, dont le but est de « rendre visible la domination des hommes dans les hautes sphères du pouvoir, dans tous les secteurs de la vie professionnelle, politique, culturelle et sociale en ringardisant leurs codes, leurs valeurs, leur esprit de corps»[5], le champ d’action ne se borne pas au seul secteur culturel. Il s’agit d’une lutte sociale plus large, en témoigne la liste des « cibles » recensées sur leur site internet.
Aux arts et à la culture s’ajoute ainsi la «politique, les affaires, les médias, la fonction publique, l’enseignement et la recherche, les think tanks, le sport, la religion et l’aide humanitaire»[6]. Et là encore, les actions sont simples et revendiquées comme telles: il s’agit d’« envahir les lieux traditionnellement dominés par les hommes en portant des barbes»[7].
Comme chez les the Guerrilla Girls, le poil est donc de mise. Non pas dans son animalité (quoi que?!) mais dans sa masculinité. Le postiche poilu dont se grime les membres du groupe symbolise pour ces dernières l’homme dominant, détenteur du pouvoir. Notamment en vogue jusqu’à la deuxième guerre mondiale, cette pratique de la barbe est, pour ces militantes, indissociable du statut politique, économique et social des hommes en ces temps-là. Cette esthétique de la 3ème République se retrouve également dans l’ensemble des outils de communication mis en place par les barbues. A commencer par leur nom: La Barbe[8]!
Utilisée à l’encontre de quelqu’un ou de quelque chose qui importune, cette exclamation ne date en effet pas d’hier. On pourrait même dire sans trop s’avancer qu’elle est un tantinet surannée mais lorsqu’elle apparaît en blanc sur une bannière de tissu noir, que les barbues ont coutume de déployer lors de chacune de leurs interventions, c’est tout un univers stylistique qui se met au service d’une cause. Il en est de même pour les « cartons » ou intertitres auxquels elles ont recours au moment de la post-production de leurs films. Fréquemment utilisés dans le cinéma pour transcrire des dialogues ou expliciter une situation, ces cartons noirs, comme procédé textuel, sont typiquement le produit du 19ème. Idem pour les musiques qui accompagnent les films.
Accordéon pour ginguette, piano pour film muet, le choix des styles musicaux soutient cette esthétique mise en place par les femmes à barbe.
On pourrait également mentionner l’intérêt pour les photographies anciennes et l’univers forain mais le meilleur moyen de comprendre leur univers reste encore d’essayer la barbe. Pour cela, les membres du groupe mettront à disposition du public, au sein de la galerie, un atelier de confection de barbes ainsi qu’un panneau photo avec trou dans lequel chacun(e) pourra passer sa tête et affirmer ainsi son appartenance au groupe. On ne naît pas barbue, on le devient. Il semble donc que pour partir en guerre, l’accessoire soit de mise. En avant toutes!
[1] Extrait de l’article Guerrilla Girls / La preuve que les féministes ont le sens de l’humour publié le lundi 12 avril 2010 par Sonia Recasens sur le blog Elles@centrepompidou. http://elles.centrepompidou.fr/blog/?p=748
[2] L’anecdote veut que le choix du singe découle d’une faute de frappe de l’une des membres lorsqu’un jour elle écrit «gorilla» à la place de « guerrilla ».
[3] Extrait de l’article Guerrilla Girls / La preuve que les féministes ont le sens de l’humour publié le lundi 12 avril 2010 par Sonia Recasens sur le blog Elles@centrepompidou. http://elles.centrepompidou.fr/blog/?p=748
[4] On pense à l’expression « faire le singe ».
[5] Extrait du site internet de La Barbe, rubrique Qui sommes-nous ?, http://labarbelabarbe.org
[6] Extrait du site internet de La Barbe, rubrique Cibles. http://labarbelabarbe.org
[7] Extrait du site internet de La Barbe, rubrique Qui sommes-nous ?, http://labarbelabarbe.org
[8] On pense aussi à l’expression « Quelle barbe ! ».
Le vendredi 9 septembre de 14h à 18h la galerie mfc-michèle didier a organisé une rencontre avec les The Guerrilla Girls, La Barbe, Deborah De Robertis et les Femen.
Ce colloque s'est déroulé à la Maison des Auteurs au 7 rue Ballu, 75009, Paris de 14h à 18h. Marc Donnadieu, Fabienne Dumont et Camille Morineau sont intevenus lors de cette rencontre.